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La tomate « industrie », nouvelle manne pour les agriculteurs provençaux ?

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L’entreprise AGRI’Alp, basée à Volx dans les Alpes-de-Haute-Provence a proposé à des agriculteurs de se lancer cette année dans une phase de test sur une soixantaine d’hectares. Un essai qui semble transformé au vu des premières récoltes.

La France produit environ 165 000 tonnes de tomates destinées à l’industrie chaque année, soit seulement 10 % des besoins nationaux qui sont évalués à 1,3 million de tonnes. 175 producteurs français se sont lancés dans cette production ce qui représente environ 2 200 hectares répartis dans quatre régions : l’Aquitaine avec 800 ha ; le Languedoc-Roussillon, 250 ha, Provence-Alpes-Côte d’Azur, 850 ha et Rhône-Alpes, 300 ha.
La chance de la région Sud-Paca est de disposer sur son territoire d’une usine de transformation, Le panier provençal située à Tarascon. Celle-ci produit de juillet à fin septembre du concentré, du coulis et du double concentré.
En manque de matière première et pour s’assurer un approvisionnement fiable et continu, elle s’est tournée vers AGRI’Alp une entreprise créée en 2019, basée à Volx dans les Alpes-de-Haute-Provence qui appartient à la même coopérative, La Coopérative Alpes Provence Languedoc (CAPL).
L’entreprise a alors contacté des producteurs de son secteur qu’elle savait aptes à se lancer dans l’aventure. « Nous savions que le terroir était adapté à cette culture, que les producteurs avaient le savoir-faire, donc nous étions confiants. Il y en avait dans les années 1990 à Oraison, mais depuis, plus rien », révèle Hugo Decroix, technico-commercial chez AGRI’Alp.

Transformer rapidement

« Il faut compter un minimum de deux hectares pour que ce soit rentable, l’idéal c’est 4-5 ha. La terre doit être profonde, homogène mais surtout les parcelles doivent être irriguées et proches des axes routiers », poursuit Yann Sergent, technico-commercial également. En effet, l’un des nerfs de la guerre pour les techniciens est le transport qui, outre son coût, doit être le plus réduit possible car les tomates sont un fruit fragile qui doit être transformé dans les heures qui suivent sa cueillette. D’ailleurs, durant la période de récolte l’usine tarasconnaise fonctionne sept jours sur sept et 24 heures sur 24.
En plus des producteurs, neuf cette année, ils devaient également trouver un entrepreneur prêt à réaliser les investissements matériels nécessaires pour accompagner le développement de cette nouvelle culture dans le département.
Ils l’ont trouvé en la personne de Romain Raspail, jeune maraîcher manosquin qui après de nombreux calculs et heures de réflexion a décidé de prendre ce risque. Il a donc investi dans une planteuse et une ramasseuse reconditionnées trouvées en Italie, pays champion de cette culture en Europe (voir encadré). Un investissement de plus de 200 000 €.
« Le projet était vraiment très intéressant et me semblait très prometteur au regard des chiffres avancés, c’est pourquoi j’ai décidé d’y aller même si je ne suis pas installé depuis longtemps (trois ans, Ndlr). Je suis passionné de matériel, c’est motivant et très enrichissant. Nous sommes donc allés en Italie pour choisir les machines les plus adaptées à notre territoire puis nous avons réfléchi aux tarifs les plus rentables (Romain facture ses prestations aux producteurs, Ndlr). C’est un risque mais il est calculé », confie le jeune homme qui a également planté dix hectares de tomates à Manosque. Il lui a fallu tout apprendre tout seul car mis à part en Camargue aucune machine de ce type n’est présente dans le secteur.
Alors que la première récolte bat son plein, il ne cesse de faire des ajustements pour s’adapter à la terre et à la topographie des parcelles bas-alpine.

Un cahier des charges précis

AGRI’Alp s’est occupé de tout le suivi technique de la culture avec des passages réguliers sur les parcelles. Le Panier provençal fournit un cahier des charges très précis aux producteurs qui n’ont plus qu’à le suivre.
Mis à part, la mise en place du goutte-à-goutte selon un schéma préétabli, cette culture étant assez gourmande en eau (4 000 m3/ha selon les sols), l’entretien des parcelles est réduit au minimum et ne nécessite aucune main-d’oeuvre puisque la plantation et le ramassage sont mécanisés. De plus, la période de production est assez restreinte, une centaine de jours, même s’il s’agit d’une production qui est très tributaire de la météo. Cette année, par exemple, les tomates ont beaucoup pâti de la pluie du début de l’été qui correspond à la période de plantation.
« Nous sortions d’une saison de courgettes difficile, explique Éric Chaillol, maraîcher à Reillanne qui a planté 19 ha. Quand Yann m’a parlé de ce projet, j’ai décidé de lui faire confiance. Pour une première année, c’est pas mal même s’il y a des choses à améliorer. Je ne connaissais pas du tout cette culture mais on est bien guidés. Je repars l’année prochaine, c’est sûr et j’espère avoir une meilleure récolte car je sais ce qu’il ne faut pas faire ou mieux faire. J’aime bien cette idée de produire pour chez nous et de répondre à une demande. »
L’entreprise table sur une production de 100 tonnes par hectare et par an en moyenne. Cette année, ce sont 6 000 tonnes qui devraient être récoltées dans le départe- ment et l’usine en aura traité 85 000 tonnes.
Très rémunératrice, cette culture se vend entre 135 et 140 € la tonne, sachant qu’il y a cinq ans elle n’était rétribuée que 80 €. Fait rassurant pour les producteurs, ils savent dès le départ combien la tonne leur sera payée.

Les perspectives d’évolution sont nombreuses avec une utilisation de la tomate de A à Z.
En effet, la coopérative CAPL développe via la société Phénix de Provence, une filière de valorisation des déchets : peau et pépins. Ceux-ci seraient excellents pour la peau. Les premiers essais concluants ont déjà attiré l’attention de géants de l’industrie cosmétique.
Le changement climatique, la demande sociétale croissante de produits français appuyée par la politique de souveraineté alimentaire du gouvernement laissent entrevoir de très belles perspectives d’avenir pour cette production, surtout que les premières récoltes sont plutôt satisfaisantes aussi bien quantitativement que qualitativement.

Alexandra Gelber

Les producteurs intéressés pour se lancer dans cette culture peuvent contacter AGRI’Alp au 04 92 75 38 12.

CHIFFRES

  • Production mondiale : 39 millions de tonnes
  • Production européenne : 10 millions de tonnes
  • Production française : 165 000 tonnes (dont 15 000 tonnes en bio)
     

Les principaux pays producteurs

  • États-Unis : 11 millions de tonnes
  • Chine : 5 millions de tonnes
  • Italie : 5 millions de tonnes
  • Espagne : 3 millions de tonnes
  • Portugal : 1,5 million de tonnes
  • Brésil : 1,5 million de tonnes
  • Ukraine : 900 000 tonnes
  • Russie : 600 000 tonnes